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jeudi 29 janvier 2015

Le jihad est une chose ; l’apartheid en est une autre



A mesure que nous nous éloignons des massacres commis par des militants d’Al-Qaïda et de Daesh nous cherchons à mieux comprendre les raisons d’agir des jihadistes français et, comme on pouvait s’y attendre, beaucoup évoquent la situation difficile, défavorable et chargée de préjugés des jeunes Français musulmans, qui sont fortement atteints par le chômage, relégués dans des quartiers périphériques et des habitations souvent dégradées par leurs propres habitants. 
Inutile de refaire pour la millième fois, après les émeutes de 2005, ce tableau noir des « banlieues » des « quartiers » et  de ce que Manuel Valls a appelé l’apartheid qui frappe une partie importante des jeunes Français musulmans et leurs familles.
Cette démarche est souvent inspirée par des sentiments de compassion ou même de solidarité mais  il n’y a pas un long chemin à parcourir pour passer de cette image du jeune Français musulman comme victime à celle du milieu où se sont formés des assassins de Français juifs et d' auteurs de caricatures de Mahomet. 
Pour faire bonne mesure on peut encore ajouter que l’antisémitisme qui pointe est d’abord un antisionisme qui peut largement s’expliquer par la violence exercée par l’Etat d’Israël, et en particulier par le Premier ministre Netanyahou à l’égard des Palestiniens et en particulier à l’égard des habitants de la bande de Gaza.
Tout semble converger : fanatisme religieux, exclusion sociale, faiblesse de l’identité française, et défense des Palestiniens, victimes du sionisme. Les Jihadistes apparaissent alors comme le groupe le plus radical et le plus violent dans une jeunesse qui s’identifie à un univers musulman maltraité, méprisé et exclu.
Je présente cette explication de manière aussi objective que possible et je connais certains de ses défenseurs pour qui j’ai la plus grande estime intellectuelle et dont je respecte la compétence.
Et pourtant je la considère cette  comme fausse et dangereuse. 
D’abord, elle est dangereuse car elle implique que la majorité de la jeunesse issue de l’immigration appartient à la même population, qui on serait tenté de dire à la même communauté  que les auteurs  des assassinats qui sont eux-mêmes citoyens français, comme l’étaient Kelkal ou Merah. Par conséquent il semble normal de penser que les meurtres commis par  quelques-uns seront imités par d’autres, voire par beaucoup d’autres. Parlons plus brutalement : devons-nous voir dans un grand nombre de jeunes Français musulmans de possibles auteurs d’attentats ?
Il n'est pas question accuser les partisans de la thèse ci-dessus évoquée de vouloir en tirer ces conclusions. En revanche, si nous sommes incapables de présenter des arguments sérieux contre une thèse qui sème la suspicion et repose sur elle, nous risquons d'entrer  dans l'ère des soupçons.

L’argument principal que j’avance contre la thèse que je pourrais appeler celle de la victimisation et que je rejette est que l’action des Jihadistes a d’autres causes et d’autres significations que des protestations contre une situation d’exclusion ou au moins de marginalisation.
Le Moyen Orient arabe a connu de nombreuses tentatives de nationalismes modernisateurs et anticolonialistes mais aussi beaucoup d’échecs. Alors que l’Egypte a gardé de Nasser, malgré sa défaite de 1967, malgré sa dérive policière et sa répression violente contre les Frères musulmans et les communistes, une image non seulement positive mais qui fait de lui le grand héros de l’Egypte moderne, les régimes baassistes, celui de Saddam Hussein en Irak et celui de Hafez El Assad puis celui de son fils Bachar en Syrie régimes au départ républicains et laïcs, ont laissé la marque d’échecs à la fois violents et honteux. Alors que Nasser a construit le barrage d’Assouan et voulu développer une économie modernisée, l ’Irak et  la Syrie  sont noyés dans la rente pétrolière, comme plusieurs autres pays.

 Or, quand un pays perd son avenir et se replie sur son passé, quand ses projets échouent et qu’il s’identifie à sa culture, et surtout à sa religion, la vie sociale et politique s’inverse autant que la vie économique et la volonté de moderniser son propre pays est remplacée par la haine des pays étrangers qui, en se modernisant, ont augmenté leur puissance et leur influence. Ce qui nous frappe dans les assassinats perpétrés par Daesh ou Al-Qaïda c’est la haine de l’autre et la volonté d’être barbare pour mieux les terroriser.
En d’autres mots le Jihad est centré sur une identité islamique transformée en volonté d’égorger l’ennemi de l’islam, tandis que le retour à l’islam et même l’antisémitisme de nombreux Français musulmans ou convertis sont fondés sur leur conscience d’être victimes d’une discrimination et d’une ségrégation. D’un côté, c’est une guerre politique et religieuse; de l’autre côté, c’est une protestation économique et sociale contre l’inégalité et l’injustice.
La répression menée contre les auteurs des attentats passés ou à venir ne fait pas avancer les revendications justifiées des jeunes Français musulmans contre les discriminations qu’ils subissent.
Quant à la troisième composante de la situation de crise actuelle, l’opposition au sionisme agressif du gouvernement israélien, elle est partagée par une partie importante des populations européennes qui sont très favorables à la création d’un Etat Palestinien.
L’opinion française est justement scandalisée par les attentats et par les actes antisémites et terroristes, mais elle a montré, par l’absence même d’une vague d’arabophobie, après les attentats, qu’elle ne confondait pas une caricature de Mahomet qui avec la lutte indispensable contre la discrimination et la ségrégation dont est victime la majorité des jeunes français musulmans.
Il faut lutter contre les Jihadistes; il faut aussi disparaître la discrimination dont sont victimes les descendants d’immigrés, mais ce sont deux problèmes différents. L’un concerne surtout les forces de sécurité; l’autre nous concerne tous et correspond à la volonté de liberté et d’égalité à laquelle notre nation vient de démontrer son attachement.














mercredi 7 janvier 2015

Je suis Charlie Hebdo !

Il ne s'agit pas ici de politique, mais de ce qui est pour nous, l'immense majorité des français, au dessus de la politique, la liberté de parole, qui est le fondement même de la démocratie.Nous sommes unis et je n'accepte pas qu'on nous interroge sur nos opinions sur l'euro ou sur Mahomet. Les assassins doivent  comprendre que nous sommes tous Charlie; nous montrerons plus tard que nous sommes capables de faire des choix, de dégager une majorité parmi nous; mais aujourd'hui nous sommes tous d'accord pour condamner les assassins et pour considérer que nous sommes tous victimes de cet attentat qui menace directement ce qui rend la vie vivable Je suis Charlie.


Ulrich Beck: Au delà du nationalisme




Un des sociologues les plus connus ; l’Allemand Ulrich Beck, de l’université de Munich, vient de mourir brutalement à 70 ans. Son livre sur la société du risque était devenu un best-seller.
Si je mentionne ici son nom c’est parce qu’il avait pris la tête – avec quelques autres – de la campagne : penser global en condamnant le « nationalisme méthodologique », qui fait encore des ravages en France (je me souviens d’un livre, d’ailleurs assez bon, qui s’appelait : Histoire de la sociologie française ; comme si on pouvait comprendre le travail des sociologues français sans comprendre leurs liens avec tels ou tels sociologues américains, anglais, allemands, italiens ou brésiliens).
Cet Allemand a été un des principaux collaborateurs d’Anthony Giddens, pendant sa longue et brillante direction de la London School of Economics, un des plus hauts lieux des sciences sociales et un des plus internationaux. Plus récemment, il avait accepté de diriger un des premiers programmes du Collège d’études mondiales, que nous avions créé, Michel Wieviorka et moi, à la FMSH à Paris et qui réunit, avec très peu de moyens un certain nombre de spécialistes de réputation internationale, français, américains, latino-américain, italien, espagnol, parmi lesquels un biologiste, un géographe, plusieurs politologues, en un mot, pas seulement des sociologues.
Je rends hommage à Ulrich en sachant qu’il avait acquis une très vaste audience en Allemagne, pays qui a toujours joué un rôle de premier plan dans les sciences, tant humaines que naturelles, (sauf évidemment pendant les années horribles).


Ulrich Beck

vendredi 2 janvier 2015

F.Hollande commence sa descente..

Tout le monde a trouvé excellente l'allocution télévisée de F. Hollande pour saluer la nouvelle année .Je partage cette opinion: il s'est déchargé de son fardeau; on n'a plus de reproches à lui faire  et on ne lui en fait plus: Bruxelles  ne fait plus de remontrances à la France avec un accent allemand et même bavarois. Juncker reconnait que la situation de la France est analogue à celle des autres pays, pas vraiment plus mauvaise que celle de l'Allemagne  ou de l'Angleterre. Presque toute l'Europe, sauf la Grèce et l'Espagne, ont adopté le modèle inventé par Blair et Schröder: tout pour le patronat, rien pour les salariés. La seule différence est que les anglais et les allemands préfèrent les bas salaires; les français et les italiens le chômage; mais les résultats sont les mêmes. Il n'y a rien à changer dans la société car la société n'existe pas; c'est une invention des gauchistes et des sociologues.D'ailleurs il n'y a ni partis ni syndicats; il n'y a que des réseaux de consommateurs. Ce qui bloquait tout était le déficit du budget; or, avec la nouvelle commission de Bruxelles tout baigne. Nous pouvons maintenant passer le flambeau à la partie de la droite qui ressemble à la gauche qui ressemble à la droite. Du même coup le Front National va se dégonfler, car c'est bien l'absence de droite et de gauche que souhaite un pays qui ne croit plus à la chose publique et ne s'intéresse qu'aux affaires privées. D'ailleurs que propose la famille Le Pen? Sortir de l'Europe? Or ça ne veut rien dire! Quant à mes frondeurs, ils ne regardent pas l'avenir mais le passé. Les grands problèmes sont derrière nous; il suffisait de reconnaitre que personne ne peut ni ne veut les résoudre pour rassurer le public. Il était grand temps de faire admettre par tous que la seule solution est la Grande coalition à l'allemande. Est-il tellement important de gouverner ensemble ou par alternance. Personne ne pense que Juppé est pire que Le Pen. Quant à Sarkozy, ce pauvre, qui n'est  pas doué pour la politique, il s'est rapproché des Le Pen  ce qui fait chuter ceux-ci, qui ont déjà l'habitude des montagnes russes. Bien sûr, je ne peux pas être réélu, mais l'important est de sortir la tête haute, c'est à dire de ne pas être chassé par ceux de mon camp; je préfère que ce soit fait par ceux de l'autre camp, qui est en fait aussi le mien, celui de tous les réalistes. POURQUOI  n'aurais je pas enfin un bon moral? Le plus dur est fait: faire admettre par presque tous qu'il n'y a rien à faire!